SNU 2023 ou l’incompétence au sommet
Le « Principe de Peter » met en avant le fait qu’avec « le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité », c’est-à-dire que, finalement, les postes avec des responsabilités sont occupés par des personnes incompétentes. (The Peter Principle, de Laurence J. Peter et Raymond Hull, 1969)
Une Ministre qui part à l’abordage
Ce vendredi 07 octobre 2022, les services Jeunesse et Sports ont reçu un courrier annonçant la « mise en œuvre du service national universel en 2023 » signé de la main de Sarah El Haïry, Secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel (SEJS). Elle annonce que la nouvelle campagne de lancement du SNU 2023 démarrera le 07 octobre 2022, soit dit en passant, le jour même ! On sent d’incroyables progrès d’anticipation !
Le courrier de Sarah El Haïry indique que trois séjours par département seront organisés entre février et juillet 2023. Dans une interview donnée à 20minutes, la SEJS annonce l’objectif de 64 000 participant.e.s, soit le double de l’année 2022 (environ 32 000) dont l’objectif initial était 50 000. Nous pouvons d’ores et déjà annoncer un nouveau flop pour cette SEJS entêtée.
Par ailleurs, dans la droite ligne de son intervention autoritaire lors de « l’affaire de Poitiers », elle affirme dans ce courrier que les nombreux enjeux « nous obligent à donner aux jeunes français l’envie et les moyens d’être utiles ». Encore une fois, nous souhaitons la rassurer, la Jeunesse dans sa diversité n’a pas besoin de leçon de morale et encore moins d’un dispositif coercitif à plusieurs millions d’euros (avant de coûter des milliards) pour s’engager ! Il n’y a qu’à voir l’implication des jeunes dans les associations de manière générale et dans les mobilisations relatives aux enjeux climatiques et sociaux, pour les combats anti-LGBTQIphobe et féministe notamment.
De plus, ce courrier annonce qu’une « instruction précise » arrivera prochainement, alors que le recrutement des jeunes, lui, va démarrer dès le 17 octobre 2022. Encore du grand n’importe quoi !
Une DJEPVA qui (se) saborde
Par ailleurs, la DJEPVA, en l’occurrence son DJEPVA par intérim, et la Mission Nationale SNU (MNSNU) ont encore fait des choix de toute beauté pour les séjours SNU 2023. En effet, alors que l’acheminement des jeunes via une compagnie de bus privée a été un somptueux échec cette année – avec entres autres des jeunes ne sachant pas où iels allaient la veille de leur départ, qui ont dû partir un jour en avance ou un jour en retard des séjours – la DJEPVA et la MNSNU reconduisent le contrat avec la même entreprise et une gestion nationale.
Comme les idées lumineuses ne viennent jamais seules, la MNSNU maintient les recrutements via des CEE (Contrat Engagement Educatif) : il serait dommage d’offrir de vrais contrats de travail ! En outre, les CEE sont limités à 80 jours sur une période de 12 mois glissants. Cela signifie donc que la très grande majorité des directeurs.trices des séjours ne pourront pas être mobilisé.e.s pour les premiers séjours ! Dans le cas où l’Administration souhaiterait s’affranchir du Code de l’action sociale et des familles qu’elle est censée faire respecter, nous invitons les collègues à le faire savoir et à s’opposer collectivement à ces pratiques illégales.
Des agent.e.s toujours plus méprisé.e.s
Depuis que le SNU vivote, les agent.e.s JS sont sur-sollicité.e.s pour satisfaire un programme doctrinaire et défaillant par essence, ce que nous contestons encore une fois. De plus, une participation accrue est exigée aux multiples RETEX SNU et autres facéties de ce dispositif. Des collègues s’y investissent, mettant le doigt sur des dangers potentiels, des manquements à la réglementation, des prises de risques majeures et une affirmation collective : nos services ne peuvent pas porter ce dispositif. Jeunesse et Sports ne peut ni ne doit s’occuper du SNU, encore moins les personnels stagiaires. Un dispositif coercitif est indigne d’un service public émancipateur !
Quelle que soit l’énergie mise par les collègues, année après année, à limiter la casse, les mêmes absurdités sont reconduites par la Ministre et la MNSNU. N’en doutons pas, nous sommes bien face à la réalisation du « Principe de Peter ».
Un service public JS mis en danger
Ce qui ressort du courrier de la SEJS et des décisions prises par la DJEPVA, c’est le maintien d’une mise en danger permanente des jeunes dans les séjours alors que nous sortons d’une lourde année et en dépit de toutes les alertes émises. En effet, de multiples faits de violence physique, de violence sexiste mais aussi de violence sexuelle se sont produits dans les séjours SNU 2022 malgré une évidente omerta souhaitée par le gouvernement. Rien aujourd’hui ne laisse présager que les équipes encadrantes devront être plus diplômées et mieux formées, tenir compte des particularismes des jeunes, etc. Rien de rien.
Comment réagir ?
Nos réelles missions Jeunesse, Education Populaire, Vie Associative et Sport sont dignes de reconnaissance, professionnelle et médiatique, bien loin de tout ce que le SNU porte. Elles sont l’occasion d’aller et d’être à la rencontre des partenaires et usager.e.s, tant pour les personnels techniques et pédagogiques que pour les personnels administratif.ve.s. La liste est longue et déployable à foison dès lors qu’on s’accorde sur la visée émancipatrice de l’éducation populaire : accompagner les jeunes dans leurs engagements et initiatives, les associations dans la création d’espaces d’accueil et d’expérimentation, les organisateurs de séjours dans des projets éducatifs, …
- Il est possible de débarrasser son contrat d’objectif, sa fiche de poste… et son service de ce dispositif comme éventuelle « mission ». Plusieurs collègues parviennent individuellement mais surtout collectivement à échapper à cet immonde dispositif. Solidaires JS accompagne et encourage toutes démarches allant dans ce sens.
- Nous incitons chacun.e à relayer et transmettre toutes les informations glanées sur les SNU dans les territoires, mais aussi, si nécessaire, à faire les signalements adéquats dans le cadre de la protection des mineur.e.s.
- Nous appelons l’ensemble des collègues à participer aux différents comités locaux contre le Service National Universel et à mobiliser nos partenaires.
La jeunesse, dans sa pluralité, n’a aucunement besoin de conseil, ou de porte-voix, mais nous ne pouvons que nous prononcer contre la généralisation du SNU pour le second semestre 2023 !
Solidaires Jeunesse et Sports exige :
- L’arrêt immédiat du SNU et la réorientation des montants non-dépensés aux différentes politiques de soutien à la vie associative.
- Qu’une réflexion soit entreprise par le gouvernement pour recréer un Service Public Jeunesse et Sports au service de l’intérêt général et mener des politiques publiques coopératives.
« La pensée négative peut nous aider à éviter notre propre escalade à notre niveau d’incompétence vitale, et contribuer ainsi à empêcher la destruction du monde », Le Principe de Peter
Pour lire ou retrouver quelques-une de nos anciennes publications sur ce sujet, auxquelles nous faisons référence plus ou moins explicitement ici :